RAPPORT D'ÉCHANGE POSTE POUR POSTE
POUR PROFESSEURS DE LANGUES VIVANTES
ANNÉE SCOLAIRE 1998-1999
Claude SEGARD Sabine ROLOFF
Collège Jean Monnet Gymnasium am THIE
F 85180 LE CHATEAU D'OLONNE D 38889 BLANKENBURG
REMARQUE PRÉLIMINAIRE
Mais pourquoi donc quitter, même pour une année scolaire, son collège de la côte atlantique, avec le doux micro-climat vendéen de surcroît, pour un lycée situé en plein cœur de l’Allemagne, au climat réputé rigoureux ? De plus, pourquoi échanger le confort du poste fixe français contre des habitudes et des exigences certainement bien différentes ? Par dessus le marché, pourquoi choisir le Land de Saxe-Anhalt, connu pour les scores élevés de la DVU ( DeutscheVolksunion ) aux élections, son haut niveau de chômage, sa difficile adaptation à l’économie de marché, sa lente intégration à l’Europe ? Et pour couronner le tout, qu’espérer d’un séjour d’un an dans une petite ville d’à peine 20 000 habitants, à l’écart des grandes voies de communication, pas universitaire, à la vie culturelle a priori provinciale donc limitée ?
Pourquoi ? Pourquoi pas ! Tous ces pourquoi ont été exprimés par mon entourage français et mes connaissances allemandes, que ce soit au niveau familial, amical ou professionnel.Le plus étonnant, à cet égard, est que ces préjugés viennent de personnes qui n’ont – pas encore – mis les pieds dans le Land de Saxe-Anhalt en particulier, et dans les nouveaux Länder en général.Raison de plus pour y aller moi-même, dépasser la simple approche linguistique, aller au delà de la connaissance d’un autre système scolaire, en fait aller à la rencontre des autres dans le cadre du travail certes, mais également au quotidien, et pour témoigner ensuite d’une expérience positive.
Préparation
Afin d’optimiser mes chances d’être sélectionné pour un échange d’abord, et ensuite de mieux préparer celui-ci, je décidais de me mettre en quête d’un partenaire identifié.En passant suffisamment tôt une annonce dans le bulletin des professeurs de français en Allemagne ( Französisch heute ), j’eus la satisfaction d’avoir une réponse écrite et plusieurs appels téléphoniques.Heureusement, je n’eus pas l’embarras du choix car j’avais ciblé mon annonce sur les nouveaux Länder avec certes une préférence pour Berlin et le Land de Brandebourg mais la lettre était suffisamment claire dès le départ pour que je décide de donner la priorité à ma collègue de Saxe-Anhalt.Très vite, nous nous sommes mis d’accord sur les questions de logement et sur une visite réciproque bien avant l’échange.C’est ainsi que j’ai reçu ma collègue – accompagnée de ses parents d’ailleurs ! – pendant une semaine en février 98.
Ainsi, elle a pu prendre contact avec mon chef d’établissement, voir les locaux , le matériel pédagogique, avoir un aperçu du fonctionnement du collège ( avec en plus, le bulletin de rentrée avec des tas de renseignements écrits ).Outre la découverte du lieu de travail, la partie vie quotidienne n’était pas oubliée : contact avec mes propriétaires, mes collègues, mes amis susceptibles de l’aider en cas de besoin.Pour terminer, visite « active » de la ville, repérage des magasins, des administrations, etc…, et plein de conseils pratiques, par exemple comment éviter les embouteillages pour arriver à l’heure au collège ! Heures d’ouverture des magasins, des banques, de la poste, pharmacie, médecins, plans de villes, de la région, lignes de bus, etc…
En résumé, plein d’informations à l’avance pour ne pas tout découvrir en catastrophe à la rentrée, le tout d’ailleurs mis par écrit.Donc, tout faire pour faciliter l’intégration de ma collègue, à l’école et en dehors de l’école.
Ma contre-visite quant à elle s’est déroulée du 02 au 08 avril 98.Je serais bien resté à Blankenburg plus longtemps mais je devais rentrer pour accueillir des Bavarois de la ville jumelle des Sables d’Olonne le 09 avril.
Ma collègue ayant bien préparé ma venue, j’ai pu également prendre contact avec le chef d’établissement, les collègues et mes futurs élèves allemands.Les questions matérielles ( logement notamment ) ne posant pas de problèmes particuliers, je dus dès lors découvrir la ville et la région malgré le mauvais temps.
Désirant également faire un peu de tourisme approfondi dans le Harz, je décidais dès ce mois d’avril de passer pratiquement toutes mes vacances d’été à Blankenburg ( avec seulement une coupure d’environ 15 jours dans le nord de la France pour voir mes parents âgés et de santé délicate ).
C’est ainsi que dès le 03 juillet 98, je me trouvais à Blankenburg et j’ai pu voir la fin de l’année scolaire ( 20 juillet 98 ), assister à nouveau aux cours de ma collègue, aux conseils de classe et participer à l’excursion de fin d’année à laquelle était présent pratiquement tout le personnel administratif et enseignant.
Séminaire préparatoire à SAARBRÜCKEN.
L’utilité de ce séminaire qui permet entre autres choses de rencontrer des « anciens » et de profiter de leur expérience est évidente.La présence de représentants officiels des deux pays est également une aide précieuse pour des questions administratives.Il me faut cependant souligner deux points me paraissant essentiels :
1) Tout d’abord, ce séminaire intervient trop tard :
Soit certains collègues viennent de faire la pré-rentrée allemande ( comme moi en Saxe-Anhalt ), soit d’autres ont déjà plusieurs semaines derrière eux ‘ Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, par exemple ), de sorte que la préparation n’a pas le temps d’être vraiment « digérée ».Ce faisant, beaucoup de bons conseils ne trouvent pas immédiatement d’application aussi efficace que souhaitée.Rejoignant nos postes directement après ce séminaire ( échanges à l’année ), nous devons attendre les prochaines vacances scolaires pour éventuellement aller chercher du matériel ou même des produits régionaux.
Personnellement, je ne suis pas du tout rentré en Vendée pendant presque 14 mois vu la distance ( près de 1400 km ) entre Blankenburg et Le Château d’Olonne.Je suis plutôt allé dans le nord de la France, vu la santé déclinante de mes deux parents, mon père est d’ailleurs décédé le 21 juillet 99, dernier jour de classe en Saxe-Anhalt.
2)Le deuxième point sur lequel j’aimerais insister concerne une évidence, mais comme toute évidence, elle a parfois besoin d’être rappelée :
Tout professeur participant à un échange de poste doit bien avoir en tête qu’il doit s’adapter à un pays, à un système scolaire, à une mentalité et des habitudes différentes et non chercher à « imposer » son propre modèle de référence.C’est dans ce cas courir à coup sûr à l’échec.Lors d’une rencontre du 2 au 4 octobre 98 à Stadthagen près de Hanovre entre les professeurs d’échange, une collègue en poste près de Brême n’a fait que répéter : « Oui, mais en France… « tout en se plaignant de divers problèmes.Elle avait du mal à comprendre qu’on ne peut pas arriver en Allemagne et vouloir travailler comme en France.Eventuellement, il est possible de faire des propositions ponctuelles, mais il ne s’agit en aucun cas de « chambouler « l’organisation allemande.
Ce séminaire devrait avoir lieu en mai.
Déroulement au quotidien.
Bien armé en théorie pour cette expérience, je démarrais avec confiance cette année d’échange.Chaque fois que j’avais une question, je n’hésitais pas à consulter mes collègues de français mais également les autres ainsi que l’administration et même les agents de service.Pendant les trois premiers mois environ, je prenais la précaution de noter pratiquement tout.Le semainier en salle des professeurs était une aide précieuse car écrite ; à côté de cela, il fallait être plus attentif au dit, et surtout au non-dit.Je dois dire que j’ai été très bien épaulé par mes collègues – de français en priorité – ainsi que par le proviseur et son adjoint qui prenaient sur leur temps pour éclairer ma lanterne chaque fois que j’étais concerné.Ceci étant, j’ai très vite compris qu’il faut savoir aller chercher l’information et ne pas attendre qu’on nous la livre sur un plateau.Ce bon conseil nous avait d’ailleurs été donné à Saarbrücken.
Que ce soit en matière de programmation des Klausuren, des tests, de rythme de travail ( cours de 45 minutes au lieu de 55 minutes ), de notation ou de concertation avec les collègues, ce qui m’a frappé, c’est le travail en équipe des Allemands face à « l’individualisme » des Français.En Allemagne, il est pratiquement impossible de faire cavalier seul, de rester dans son coin, et c’est tant mieux.Mes collègues de français m’ont très vite sollicité pour « profiter » de la présence d’un locuteur natif et j’ai beaucoup apprécié les échanges d’idées car c’est un véritable « donner et prendre » d’où chacun sortait avec un plus pour sa pratique quotidienne de classe.
Ce contact fructueux avec les collègues a bien entendu été élargi au point qu’une exposition de travaux d’élèves français a eu lieu au lycée de Blankenburg – et vice versa –à la grande satisfaction des collègues d’arts plastiques français et allemands concernés.
Pour ce qui est des élèves allemands, j’avoue ne pas avoir constaté de grosses différences avec les élèves français, sauf au niveau de la discipline, les élèves allemands étant très disciplinés.J’ai bien évidemment rencontré des problèmes – petits et grands – avec des élèves, surtout en classe de 9ème ( = 3ème en France ), mais n’est-ce pas l’âge de la puberté qui explique certains troubles ? Qu’ils soient allemands ou français, les élèves se cherchent encore, commencent à affirmer leur personnalité, quelquefois par quelques débordements verbaux ou comportementaux, qu’il faut comprendre en restant calme mais aussi cadrer avec l’aide de l’équipe éducative.Le plus étonnant, c’est qu’au lieu de me plaindre de cette classe de 9ème, je me suis mis très vite en quête de solutions, tâche pour laquelle le professeur principal m’a été de bon conseil.Les efforts fournis ont été concluants.Même si les autres classes m’ont également offert un petit cadeau d’adieu en fin d’année, j’ai beaucoup apprécié celui venant de cette classe.C’est justement cette classe qui m’a poussé à innover, à faire preuve d’immagination, dont ont d’ailleurs profité les autres classes et mes collègues de français et de langue, tout en respectant les programmes.De plus, j’ai conclu l’année scolaire par un rallye à travers la ville, rallye doté de nombreux lots offerts par des sponsors d’abord du nord de la France- ma région d’origine- et de Vendée. Je remercie au passage Jacky Hénin et la ville de Calais, Monsieur Barron et le Président de la Chambre de Commerce de Calais, Monsieur Philippe Garcia, responsable de la Communication à la ville d’Arras, ainsi que le Conseil Général du Pas de Calais, l’Office de Tourisme des Sables d’Olonne et le Conseil Général de Vendée pour les nombreux lots.Les élèves étaient enthousiasmés, surpris de mettre en pratique leurs connaissances de façon plaisante certes, mais aussi concrète.
Investissement en dehors du Lycée am Thie de Blankenburg.
Dès mon arrivée à Blankenburg, le bouche à oreille a fonctionné.D’abord, bien évidemment dans mon voisinage immédiat ; un « vrai » Français était là pour un an ! Les gens cherchaient le contact, posaient beaucoup de questions sur la France, me demandaient mes motivations, voulaient être conseillés pour leurs enfants apprenant déjà le français ou envisageant de l’apprendre.
Un architecte paysager dont le fils apprend le français m’a sollicité pour traduire son livre.Il voulait une version en plusieurs langues en vue de la BUGA ( Bundesgartenschau ) de Magdeburg.
A l’occasion de la rencontre amicale entre le Chancelier Fédéral Gerhard.Schroeder et le Premier Ministre Lionel Jospin le 09 janvier 99 à Quedlinburg ( 16 km de Blankenburg ), j’ai fait la connaissance de représentants du Comité de jumelage entre Quedlinburg et Aulnoye-Aymeries ( dans le nord de la France ).J’ai également pu saluer le maire de la ville française.Très vite, j’ai été amené à apporter mon aide à ce comité, comme par exemple lors de la venue de retraités français.
Le bouche à oreille continuant à fonctionner, une secrétaire de la mairie de Quedlinburg m’a contacté en vue de l’accueil de jeunes français, âgés de 10 ans environ, enaoût 99, dans le cadre d’un camp de vacances franco-allemand.Mon aide a consisté à donner quelques cours de français aux petits allemands de façon à faciliter les premiers contacts grâce à quelques bases.
Ensuite, par mon intermédiaire, un étudiant en langues appliquées à Boulogne- sur- mer- Cyrille Vanbaelinghem de Blériot-Plage, commune de Sangatte – a pu faire un séjour d’un mois dans une famille de Blankenburg ayant une fille à peu près du même âge.Il a fait un stage dans d’observation dans mon lycée.
Enfin, une collègue de Quedlinburg, responsable de formation continue pour le français, a organisé une rencontre studieuse avec des collègues enseignant le français dans la circonscription de Halberstadt.
En somme, à part les bébés, les différentes classes d’âge ont été touchées par mes interventions.
Conclusion.
De cette année à Blankenburg, je retiendrai une chose à mes yeux primordiale : à côté des grandes théories et des grands discours sur le rapprochement entre les peuples, notamment entre les Français et les Allemands, il y a la force de l’expérience vécue, de l’investissement personnel, avec son lot de difficultés surmontées, de satisfactions diverses et le sentiment d’avoir obtenu des résultats positifs en ayant toujours en tête qu’enseigner une langue – surtout à l’étranger – ne se limite pas à faire ingurgiter du vocabulaire et quelques règles de grammaire, c’est transmettre un outil de communication qui sert à aller à la rencontre des autres ; et même si quelques fautes apparaissent ici ou là, l’essentiel est que la communication s’établisse entre les gens et qu’ils aient envie de continuer à faire des efforts pour se comprendre mutuellement.
Ma seule déception est de ne pas avoir pu prolonger d’une année ce séjour- oh combien- instructif.
En conclusion, je recommande à tout professeur de langue de faire cette expérience d’un an minimum et j’ai déjà en tête de renouveler ma candidature avec un partenaire identifié ou non.
L’Europe est un chantier permanent.
À SUIVRE
CLAUDE SEGARD SANGATTE BLERIOT
Cliquez aussi sur JEAN SEGARD COURSES INFOS